Méduses,
Antoine Brea
Publié au Quartanier dans la collection « Ovni »,
ce texte venimeux est le récit de l'errance d'un homme, tout au long
d'une descente aux enfers affective et sexuelle, dans un monde
trouble hanté d'êtres incertains. Le lecteur est d'emblée projeté
dans les tergiversations mentales du narrateur, seul fil directeur
d'une narration perturbée et déroutante, dont pourtant on ne saura
rien : souffleur de verre séropositif, ex-taulard détruit par
la drogue ou artiste peignant à l'encre mais n'exposant que
des« poupées-machines » et autres « récupérations
de cimetière », il est tout d'abord étranger à lui-même
avant que de ne l'être aux autres. Porté par son existence dépravée
et moribonde, médusé par un double morbide qui envahit peu à peu
de sa présence assourdissante l'espace du texte, le narrateur se
nourrit de contacts mortifères, de passades sans affects, de filles
substituables les unes aux autres, que l'on séduit comme on viole :
consommées, puis effacées à chaque fin de chapitre. Seul un
personnage, Jimmy Namiasz, résiste aux éliminations méthodiques,
réelles ou fruits d'un délire psychotique, ami si proche qu'il
vient redoubler le brouillage des identités narratives : « Je
vivotais en liberté, te relatais tout ça, l'histoire de Jimmy
Namiasz, un peu aussi la mienne […] Parfois je m'inquiète si je
n'ai pas rêvé, si mon existence n'a jamais eu une vraisemblance en
dehors de toi, Jimmy, si l'univers connu d'alors n'était pas que le
pur produit des tes hallucinations personnelles. » Antoine Brea
livre ici un troisième texte à l'écriture aliénée et fulgurante
dont le lecteur ne sortira pas indemne.
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