samedi 2 février 2013

Le Chemin solitaire, Arthur Schnitzler

Arthur Schnitzler, écrivain viennois de la fin du XIXème siècle et issu d’une formation de médecine, est souvent comparé au psychanalyste Sigmund Freud, avec qui il entretenait une correspondance assidue. En effet, il a dressé des portraits de personnages entiers et névrosés dans ses pièces de théâtre comme dans ses nouvelles.
Dans cette pièce, le patriarche d’une famille vient de mourir et les personnes qui lui sont liées errent autour de la maison familiale, endeuillés et perdus. Ce décès fera ressortir les aspects les plus sombres de chacun des personnages.
Le Chemin solitaire est une pièce ambigüe: on peut y voir ces personnages enfermés dans un quotidien aliénant, et désirant par-dessus tout fuir. Néanmoins l’action reste ponctuelle et les dialogues sont particulièrement sobres. On pourra penser la pièce comme lente,  voire désagréable, mais il lorsqu’on essaye de comprendre les mécanismes animant ces personnages, on voit en eux les représentations des désirs et des craintes de tous les hommes. De Von Sala, écrivain cherchant à faire le dernier voyage de sa vie malgré la fatigue et la maladie à Félix, qui apprend être né d’une relation adultère et tente de fuir son foyer en s’engageant dans l’armée, chaque personnage est profondément tourmenté par son passé et ne pense trouver le repos que dans le mouvement, ou la mort. C’est d’ailleurs le destin de l’un des personnages.
Ce thème est récurent, et ce jusqu’à la fin de l’œuvre. Von Sala dit à Julian Fischner dans le dernier acte: « Ceci est ma dernière réplique ». On comprend alors que le personnage désire mourir lors de son voyage, et qu’il n’y a, finalement, aucune autre solution que celle-ci pour ne plus être tourmenté.
L’œuvre de Schnitzler est pourtant loin d’être pathétique car il manie avec délicatesse ses personnages, qui restent humbles en toute circonstances. Cette facilité à écrire les sentiments des hommes lui a valu une remarque de Freud, lors de la correspondance qu’ils tenaient: « Je pense que je vous ai évité par une sorte de crainte de rencontrer mon double ». L’œuvre est donc à la fois une étude psychanalytique et une histoire universelle, ce qui lui confère une importante valeur littéraire et humaine. On pourra en dire qu’elle est difficile, mais Schnitzler invite son lecteur à lire entre les lignes et réfléchir à la condition des personnages comme s’ils étaient des hommes. En cela, l’œuvre est tout à fait abordable et l’intrigue pousse le lecteur à s’intéresser aux détails, aux gestes manqués de chaque personnage. Il n’est pourtant pas question de voyeurisme, car chaque sentiment est un sentiment connu, et il est montré avec beaucoup de délicatesse. Cette pièce est donc tout à fait rythmée, non pas par des mouvements ou de grandes tirades, mais par des actions simples du quotidien, révélant à la fois la souffrance qu’éprouvent les personnages et l’acceptation, difficile parfois, de leur vanité.

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