mardi 26 février 2013

Critique : Frankenstein ou le Promethée moderne de Mary Shelley

Promethée, Gustave Moreau, 1868

Où le savoir humain doit-il s’arrêter ? Dans la mythologie grecque, la volonté de se hisser à la hauteur des dieux était perçue comme un crime. Aussi, lorsque Promethée se rend sur le mont Olympe pour voler le savoir divin, le feu, Zeus le condamne au pire des châtiments. Victor Frankenstein est animé par ce même désir de découvrir le feu sacré lorsqu’il décide de donner vie à un être humain aux dimensions parfaites, exclusivement conçu à partir de membres de corps trouvés dans un cimetière. Son ambition est elle-aussi cruellement punie puisque le monstre va tuer, un à un, les membres de sa famille. 


Mary Shelley est la fille de Mary Wollstonecraft et de William Godwin, deux penseurs modernistes à l’heure des révolutions industrielles et scientifiques en marche en Angleterre. Influencée par ses parents et par les aspirations romantiques de son mari, Percy B. Shelley, elle offre, à travers ce roman, une brillante réflexion sur la figure du créateur. Considérant que l’homme est devenu mauvais car il a été chassé du jardin d’Eden, elle fait du monstre de Frankenstein un nouvel Adam en quête de son créateur, comme dans Le Paradis perdu de John Milton, car il cherche à comprendre la raison de sa venue au monde : « Pourquoi est-ce que je vis ? Pourquoi, à cet instant, n’ai-je pas éteint l’étincelle de vie que tu as si étourdiment allumée en moi ? » (chapitre 16).

Frankenstein, Theodor Von Holst, 1831

Par ailleurs, elle développe de nombreuses oppositions telles que l’ombre et la lumière, l’amour et la haine, l’apparence et les préjugés ou encore la nature et le progrès pour montrer à quel point ces termes sont inséparables, tout comme les destins de Frankenstein et de son monstre. Lorsqu’il prend conscience de l’horreur qu’il a créée et qu’il s’enfuit, Frankenstein ne sait pas que les liens qui l’unissent à sa créature sont indissolubles et qu’il ne peut pas l’abandonner. De même, le monstre passe sa vie à rechercher son créateur pour le détruire mais lorsque celui-ci meurt, lui-même n’a plus de raison de vivre : « Adieu, Frankenstein ! […] Je vais monter triomphalement sur mon bûcher funéraire et j’exulterai dans la torture des flammes dévorantes » (chapitre 24).


Ce roman célèbre met en lumière une autre problématique liée à la volonté du monstre de vivre dans un monde qui le rejette : quelle est la place de l’homme dans la société ?

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