Montag
est pompier. C’est à dire qu’il manie une lance à pétrole et, quand l’alarme
résonne dans la caserne, il s’élance pour brûler des livres et incendier les
maisons qui les abritent. Pas le temps de réfléchir au bien fondé des lois ou à
l’origine de tout cela quand votre esprit est submergé au quotidien par les
incessants torrents déversés par les murs-écrans du salon, les haut-parleurs du
métro, les petits écouteurs insérés dans vos oreilles. Mais une rencontre
inattendue avec une jeune fille pourrait allumer une flamme d’une autre nature…
Avec Fahrenheit 451, Ray Bradbury nous offre
une vision angoissée et angoissante de l’avenir tel qu’il se profile à l’époque
où il écrit, en 1953. C’est avec un esprit lucide et critique qu’il dépeint les dérives
possibles de notre société de consommation lancée à toute vitesse dans une
course en avant, refusant de voir le mur vers lequel elle se précipite. La
réflexion tourmente l’homme et le rend malheureux ? Ne lui laissons plus
une occasion de penser, remplissions son temps libre de bruit et de publicités,
d’attractions violentes et d’amis virtuels l’abrutissant jour et nuit de leurs
bavardages inconsistants. Les livres font réfléchir ? Brûlons les
livres !
Loin
d’être obsolète, ce roman d’anticipation reste d’une actualité déroutante, effrayante mise en
garde dans notre monde où la télévision occupe un autel dans chaque salon. Bien
que cette dystopie soit extrême, l’évolution de la société tend à confirmer
la prédiction glaçante de Bradbury. Au beau milieu du livre, une mère évoque
ses enfants : « On les fourre dans le salon et on appuie sur le
bouton. C’est comme la lessive ; on enfourne le linge dans la machine et
on claque le couvercle. » Si l’inhumanité des mots choque, qui irait nier
la réalité de cette scène dans bien des foyers modernes ?
Bradbury
ne condamne toutefois pas l’humanité à sa destruction totale et inéluctable. Son
style riche en métaphores et sa prose teintée de poésie donnent lieu à des
moments de grâce où l’espoir renaît dans cet univers terne. Et si l’homme ne peut éviter de se détruire,
peut-être peut-il aussi, à l’instar du phénix, ressurgir de ses propres cendres…